Modernisation des musées en Algérie

Moderniser les musées peut évoquer une refonte architecturale générale ou partielle pour les rendre plus minimalistes ; comme cela peut évoquer une modernisation de tout ce qui y est exposé : art exclusivement moderne et contemporain. Toutefois, nous parlerons ici de l’intérêt suscité par les musées algériens à une lointaine période.

En 1966, l’Unesco a porté une attention particulière aux musées algériens en envoyant Kazimierz Michałowski – archéologue, égyptologue et historien de l’art polonais,  en Algérie afin qu’il « conseille les autorités compétentes en ce qui concerne la législation, la modernisation des musées et les échanges internationaux entre musées » (Source p.3). L’historien a eu toute l’aide nécessaire pour qu’il puisse visiter les musées et, par la suite, savoir quoi conseiller pour pouvoir établir un bon échange international.

Il achève sa mission en rédigeant un compte rendu détaillé de tout ce qui a été remarqué, ce qu’il faut changer ou, au contraire, ce qu’il faut impérativement garder. Les principales opérations nécessaires au développement des musées en Algérie seraient, selon Kazimierz Michałowski, d’effectuer des échanges entres musées au niveau national et international ; de former des cadres professionnels et diplômés en muséologie ; mais surtout que les étudiants qui suivent cette voie soient encouragés par le gouvernement à travers des bourses, des stages de 3 à 6 mois, etc.

Pour ce qui est de ce dernier point, à cette époque déjà le Musée du Bardo possédait le centre de recherche anthropologique, préhistorique et ethnographique (CERAPE) le plus développé en Algérie. Travaillant avec les Beaux-Arts, la branche technique du CERAPE pouvait former la base des cadres techniciens et professionnels et, de ce fait, effectuer un échange entre musées tout en formant de jeunes étudiants en muséologie.

Le Musée des Beaux-Arts est d’ailleurs d’une richesse impressionnante en ce temps-là,  il possède également une excellente bibliothèque régulièrement mise à jour  (le rapport de la conférence générale de l’ICOM qui s’est tenue à New York en octobre 1965 était déjà présent à la bibliothèque des Beaux-Arts en début de l’année suivante). C’est un musée qui, toujours selon Michałowski, a « toutes ses chances de devenir un musée-pilote pour toute l’Afrique » (Source p.8), mais  le seul problème reste l’accès au bâtiment. En effet, le musée n’était desservi que par un seul bus d’une heure de trajet, ce qui est assez suffisant pour en décourager plus d’un ! Heureusement, le problème ne se pose plus aujourd’hui car l’accès et devenu largement plus facile et rapide.

Cependant, toute l’étude de l’égyptologue est construite exclusivement sur l’idée qui a été proposée par M. Abdul Hak à propos d’une construction d’un musée central à Alger, il regrouperait plusieurs départements et représenterait tout l’art et la culture d’Algérie. Le plan du futur bâtiment était basé sur l’idée du Corbusier d’un musée « à croissance illimité », le musée central aurait regroupé tous les domaines avec ses multiples départements : archéologie, art musulman, peinture, sculpture, etc., et organisé des échanges, des fouilles archéologiques, des expositions temporelles et permanentes…les activités sont aussi multiples que diversifiées et opérant toutes pour un objectif commun.

Pour l’historien de l’art polonais, « l’Algérie a un devoir à remplir envers l’humanité et envers elle-même dans le domaine des études archéologiques et muséologiques en raison de la richesse de son patrimoine artistique et culturel » (Source p.20). Le pays a toutes les capacités pour entreprendre un tel projet, les premiers résultats ne seront certes visibles qu’au bout de quelques années, mais ils seront quand même concluants.

 

Source : Dr. Kazimierz Michałowski, « Algérie – La modernisation des musées en Algérie », distribution limitée, UNESCO, Paris, mai 1966.

Introduction à l’art pictural algérien

C’est autour des années 1920, avec une génération de peintres que l’on considère aujourd’hui comme les précurseurs de la peinture algérienne contemporaine tels que ; Azouaou Mammeri, Mohammed Zmirli, et Mohamed Temmam que se dessine peu à peu l’introduction d’éléments de la modernité artistique tels que l’impressionnisme dans l’art algérien.

C’est en effet avec cette génération, qui couvre une période allant des années vingt aux années cinquante que la vision figurative et narrative considérées jusque-là comme étrangères à la sensibilité maghrébine est réellement remise en question, faisant ainsi naitre le véritable art moderne algérien.

Les années 1950 ont connu une génération de peintres très actifs, ayant pour certains, fait l’école des beaux arts d’Alger, d’Oran ou de Paris. Parmi eux, se distinguent principalement les noms suivants : Benanteur, Guermez, Mesli, Issiakhem, Khadda, Louaïl, chacun selon sa formation et sa sensibilité, propose une œuvre qui prédomine jusqu’à ce jour l’art algérien.

Parallèlement à ces réalisations « intellectualisées », nous retrouvons une tendance qui cultive la spontanéité du geste, « l’art naïf », qui est incarné dans l’œuvre de Baya. L’artiste s’affirme et occupe une place importante dans l’art algérien avec des œuvres d’une improbable féerie dans lesquelles elle joue avec les lignes épurées, les motifs et les couleurs vives comme le rose indien ou le bleu turquoise.

Inscrit dans le même courant, nous retrouvons l’artiste Hacène Benaboura qui peint avec des gestes spontanés, essentiellement des vues d’Alger.

Au lendemain de l’indépendance, à partir de 1963, de nombreuses expositions auxquelles les peintres algériens participent sont organisées à Alger et à Paris. Ils exposent aux côtés de grands peintres européens comme Louis Béniti, Maria Monton ou Marcel Bouqueton. C’est à cette époque que ces nombreux artistes participeront au développement de la peinture figurative.

Durant cette même décennie, de jeunes artistes vont revendiquer leur identité à travers l’esthétique de leur art. A la fin des années 1960, nait alors le groupe « Aouchem » (tatouage) qui rassemble une dizaine d’artistes, parmi eux, Rezki Zérati et Hamid Abdoun.  Le groupe s’inspire des traditions classiques qui ont réussi à se maintenir dans l’art populaire : tissage de laine, poterie, décorations murales, travail du bois et du métal … ils ont également recours à la graphie de lettres et de signes, ils puisent aussi bien leur inspiration dans les motifs targuis des caractères sahariens que dans la culture andalouse.

Dès 1980, l’art algérien se transforme en un art d’essence universel et acquiert une indépendance de l’expression. Une nouvelle vague d’artistes défendant l’idée de la nécessité d’ouverture sur l’art universel apparait.  De nombreux artistes laisseront dès lors libre cours à leur talent et  iront comme Hioun l’a fait à la  fin des années 1980, jusqu’à l’expérimentation de techniques telles que la gravure, la fresque ou la sculpture, privilégiant l’expérimentation esthétique personnelle.

Les années 1990 représentent une époque sombre pour l’Algérie qui doit faire face à un fanatisme meurtrier, durant cette période, l’art algérien connaitra un lourd silence.  Le poète et romancier Tahar Djaout, symbole de la résistance intellectuelle à l’intégrisme ainsi que de nombreux artistes parmi eux : le poète Youcef Sebti ou le dramaturge Abdelkader Alloula sont assassinés. Les peintres se retrouvent alors sous la menace contraints de fuir le pays pour se réfugier en France. Mais ils continuent à opposer au cauchemar meurtrier du fanatisme le visage de l’Algérie créative en  se tournant à nouveau vers la peinture figurative qui connait alors un succès et prend  une place prépondérante sur la scène artistique internationale.